Ça

Tous les ouvrages qui ont trait à ça, elle ne peut s’empêcher de les acheter, de les lire, de les commenter dans les marges.

Tous les films qui ont trait à ça, elle se précipite pour les voir, certains même plusieurs fois pour qu’aucun détail ne lui échappe.

Tous les articles qui ont trait à ça, elle les dissèque pour ne pas rater la moindre entorse à ce qu’elle considère comme juste, authentique et légitime.

Au fur et à mesure qu’elle avance en âge, elle devient susceptible et ne supporte pas que ses amis aient d’autres préoccupations que ça.

Du réveil au coucher, elle n’arrête pas d‘évoquer ça avec quiconque se trouve à sa portée, elle ne s’aperçoit même pas que les gens la fuient.

Pour la mort de sa mère, dans le faire-part inséré dans Le Monde elle n’a pas pu éviter d’écrire sur ça, sur ce qui était arrivé à son père là-bas.

Ne croyez pas qu’elle soit folle, d’ailleurs il en existe beaucoup des gens comme elle, atteints du même symptôme, seul le degré d’obsession change.

Comment pourrait-on les blâmer ? Il faut bien continuer à vivre avec ça !

… mais ce que nous ne disons pas, c’est cette obsession constante, cette lancinante blessure secrète, derrière chacun de nos propos … Nous n’oublierons jamais … nous avons été la balayure du monde …

Vladimir Rabi, juriste et écrivain, 1945

 

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